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Sûreté d'entreprise

Recruter un directeur sûreté ? Quelques “ficelles”

La question de l’origine du directeur sûreté semble se résumer à  une alternative simple : faut-il en effet recruter un ancien militaire/gendarme/policier qui connaîtra les pouvoirs publics mais pas l’entreprise ou, au contraire, recruter une personne issue de l’entreprise mais qui ne connaîtra pas la sûreté (car elle ne s’enseigne pas encore et, de plus, on n’y fait pas carrière) ? Si Clint Eastwood m’a fourni quelques éléments de réponse dans un billet précédent, il est cependant possible de trouver des références scientifiques. Cette fois, je m’appuierai sur Howard Becker par quelques emprunts à son livre “les ficelles du métier“.

© 2011 EPFL

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Tout d’abord, analysons la controverse. Elle provient des ardents défenseurs du recrutement de personnes issues de l’entreprise, mais les raisons évoquées semblent parfois un peu courtes. Une personne extérieure à l’entreprise ne connaîtrait pas ses codes (c’est vrai, mais lorsqu’un jeune ingénieur y est recruté, il ne les connaît pas plus), et le risque du recrutement d’un ancien militaire à ce poste serait de militariser l’entreprise. Comme la question de la militarisation de l’entreprise fera l’objet d’un autre billet (bande annonce : ce n’est pas encore prêt), il convient alors de se demander pourquoi une telle affirmation s’est fait jour.

D’autant que dans le billet inspiré par le grand Clint (cf. supra) je cite un certain nombre d’arguments militant en faveur du choix, pour ce poste, d’une personne ayant l’expérience de situations dégradées, profils que l’on trouve avantage chez les anciens militaires/gendarmes/policiers que chez les personnes ayant fait toute leur carrière dans une entreprise privée.

Dans cette controverse du recrutement, que nous apprend Becker ? En revenant à Hughes, il nous explique que parfois, certains raisonnements assénés plutôt brutalement sont en fait des syllogismes dont on oublie de citer la majeure : ce qui intéressait Hughes, c’est le fait que pour chaque syllogisme la majeure, comme il le dit, est occultée (p 236). Ni Hughes ni Becker ne citent le cas des directeurs sûreté bien évidemment, mais celui du racisme. Cette “ficelle” pour reprendre les termes de Becker s’énonce ainsi : on pose une conclusion et on l’étaye d’une affirmation factuelle qui tient lieu de mineure dans un syllogisme dont aucune partie n’est jamais ouvertement ni entièrement exposée. Un simple exercice de logique vous révèle alors la majeure, telle qu’elle doit nécessairement se formuler pour que la mineure implique cette conclusion (p 238). En outre, à force d’être assénée, cette (non) démonstration s’ancre durablement dans les esprits : Ce que l’on découvrira de manière systématique, en revanche, si l’on suit l’analyse de Hughes, c’est que la majeure est si profondément ancrée dans l’expérience quotidienne des gens qu’elle ne nécessite aucune démonstration ni argumentation (p 238). Appliquons cette ficelle à notre question. La conclusion étant qu’il ne faut pas recruter un ancien militaire/gendarme/policier comme directeur sûreté parce qu’il ne connaît pas les codes de l’entreprise, “remonter” le syllogisme nous donne comme mineure un ancien militaire/gendarme/policier ne connaît pas les codes de l’entreprise, la majeure étant on ne peut recruter comme directeur sûreté qu’une personne connaissant les codes de l’entreprise. Voilà notre syllogisme dévoilé. Reconnaissons sa faible pertinence, car il implique de ne recruter que des personnes travaillant déjà dans l’entreprise (pour être sûr qu’elles en connaissent bien les codes particuliers).

Pour ceux qui critiqueraient cette ficelle (ou qui ne voudraient pas reconnaître que leur majeure est… biaisée) une autre ficelle donnée par Becker est encore plus simple : c’est une bonne ficelle, lorsque vous entendez ces tournures impératives révélatrices, que de poser cette simple question : sinon quoi ? (p 255). Muni de cette nouvelle ficelle, appliquons la au recrutement d’un directeur sûreté : si l’entreprise recrutait comme directeur sûreté un ancien militaire/gendarme/policier, alors que se passerait-il ? L’abomination de la désolation adviendrait-elle ? Vraisemblablement non, si l’on en croit le nombre d’entreprises qui ont procédé à un tel recrutement et continuent de bien se porter, ainsi que la longévité de certains anciens militaires/gendarmes/policiers à ce poste.

Nous pouvons ainsi remercier Becker et Hughes qui nous ont fourni deux ficelles simples d’emploi montrant que la controverse sur l’origine du directeur sûreté et, par conséquent, son recrutement, repose sur une idée préconçue, non étayée par les faits, et donc largement contestable. Elles nous montrent aussi que réduire le recrutement du directeur sûreté à la question de son origine professionnelle est spécieux, car cela fait de  la connaissance des codes de l’entreprise le critère primordial du recrutement. Si tel est le cas, nous aurions alors une explication au constat de l’état perfectible de la sûreté d’entreprise. Beaucoup de travaux restent à mener afin qu’elle soit considérée tout d’abord comme une fonction au même titre que les autres, et ensuite pour qu’elle soit estimée réellement stratégique.

In fine, ce que nous montre Becker par ces ficelles, c’est que cette question du recrutement du directeur sûreté est mal posée. Un grand progrès serait, pour l’entreprise, de clarifier son besoin (mais on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens disait le cardinal de Retz) et de ne retenir que le candidat qui y réponde le mieux. En bref, recruter un directeur sûreté comme elle recrute son DRH, son directeur financier, etc. Ce qui revient à considérer la sûreté comme une fonction au même titre que les autres. Ce qui pourra, à terme, lui permettre d’être stratégique. Mais en l’état actuel des choses, la conclusion s’impose :

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Une réflexion sur “Recruter un directeur sûreté ? Quelques “ficelles”

  • Immédiatement les propos m’ont choqué.
    Peut-être faut-il appeler syllogisme cette définition qui n’a pas de fondement.
    L’essentiel reste d’avoir un service sûreté adapté, expérimenté et répondant exactement aux besoins propres de l’entreprise qui recrute.
    Elle doit donc bien définir son besoin et le poste qu’elle souhaite créer pour assurer la sûreté de son entreprise comme pour toute embauche: que le candidat qui convient le mieux soit ancien militaire ou exclusivement issu du privé n’importe pas.

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