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Intelligence économique

Rugby, injustice, management et IE

La défaite de l’équipe de France lors de la coupe du monde de rugby organisée en France est l’occasion d’évoquer le management ainsi que l’intelligence économique (IE). Pourquoi donc ? Parce qu’avec l’avènement de la professionnalisation, la glorieuse incertitude du sport a laissé la place à des calculs, opérations d’influence et autres manœuvres plus ou moins dicibles que l’on retrouve également dans l’affrontement économique. L’affrontement sportif est ainsi devenu un excellent reflet des autres types d’affrontement : culte de la performance (donc dopage), recherche de la victoire à tout prix (dehors les loosers), etc.

Manager après une défaite

Juste après la défaite contre les Boks, comme il est de coutume après un match, l’entraîneur et un joueur ont été interrogés par la presse. Et là, scandale ! Alors que dans le monde du rugby il est malvenu de critiquer l’arbitre, le capitaine de l’équipe de France l’a fait. De manière mesurée, certes, par allusion, certes, mais il l’a fait. Il a franchi le Rubicon !
Horreur ! Blasphème ! Crucifie-le ! Se plaindre de l’arbitrage dans le monde du rugby (qui a des valeurs…) montre un comportement anti-sportif car c’est trop facile et surtout, si tu voulais gagner, il fallait mieux jouer ! L’auto-critique, oui, la critique, non.
Le discours de l’entraîneur qui suivit, tout en retenue, sans aucune parole déplacée pour l’arbitre, a immédiatement été opposé à celui de son capitaine en parant aussitôt le dit entraîneur de toutes les qualités du manager idéal : lucide, posé, mesuré, ne refusant pas l’auto-critique mais surtout, incitant ses troupes déçues à surmonter la compréhensible amertume de la défaite pour regarder plus haut et se remobiliser pour la prochaine échéance. “Allez, les gars, comme le disait Mandela, je n’échoue jamais, j’apprends…”
Tout à leur enthousiaste optimisme, les thuriféraires de l’entraîneur oublient cependant deux éléments non négligeables. Le premier est que nous ne savons pas ce que l’entraîneur a dit aux joueurs dans les vestiaires où la frustration devait être grande, et où il est fort probable que quelques noms d’oiseaux exotiques aient été accolés au nom de l’arbitre. Le deuxième, qui pourtant sautait aux yeux, est qu’au moment de la conférence de presse, il n’a pas repris le capitaine de l’équipe, ni lorsqu’il a critiqué l’arbitre, ni lorsque la parole lui a été donnée.
On dit parfois “qui ne dit mot consent”. Serait-ce alors le cas ?
Qu’a-t-il dit aux joueurs dans le vestiaire ? Nous n’en savons rien et ne le saurons probablement jamais. La question qui se pose à lui maintenant est de savoir comment il va manager une équipe qui a subi un échec non seulement inattendu, mais causé par une injustice.

Manager après l’injustice

Car cette défaite est-elle un échec sportif ? Non, c’est plutôt une injustice au vu du nombre de mauvaises décisions de l’arbitre qui ont, in fine, avantagé les Boks. Notons d’ailleurs que la première déclaration de Kolbe relative à sa montée sur la transformation de Ramos (dans laquelle il expliquait avoir souhaité que l’arbitre ne regarde pas trop le moment du départ de sa course) a fort opportunément disparu… En outre, le fait que l’arbitre de la finale déclare arrêter le haut niveau à cause des pressions n’a pas non plus ému les commentateurs si prompts à pointer du doigt l’insuffisance de l’équipe de France.
Passons. Il est indispensable de distinguer l’échec subi à cause d’une contre-performance de celui subi à cause d’une injustice, car si on peut rebondir après un échec, on ne digère que très rarement une injustice surtout lorsque beaucoup la nient. Ordonner de ne pas protester contre l’injustice ou inciter à passer outre comme si elle était un fait de jeu, revient à demander à ceux qui l’ont subie qu’ils consentent à perdre leur humanité. En effet, c’est leur demander d’accepter qu’il existe deux catégories de personnes, dont une qui peut faire les frais d’une injustice et dans laquelle ils sont relégués. Or, les déclarations de Philippe Saint-André, juste avant la finale et relatives à la défaite de la France contre l’Afrique du Sud en demi-finale de la coupe du monde de 1995 montrent qu’une injustice est d’autant plus difficile à surmonter qu’elle est largement niée. Le problème est que la majorité des commentaires ont confondu l’échec et l’injustice, ce qui n’aidera pas les joueurs et l’encadrement à récupérer sereinement.
Nier l’injustice que quelqu’un a subie, c’est le reléguer au rang d’affabulateur voire d’auteur alors qu’il est victime. Laisser prospérer l’injustice détruit la confiance et encourage la corruption. Présenter l’affaire comme le résultat d’un jeu équitable perdu dans les règles, alors que la réalité prouve le contraire, est un scandale.
Le travail du manager consiste alors à reconnaître l’injustice sans pour autant enfermer les joueurs dans une posture de victime qui ne permet pas d’avancer.

L’intelligence économique

En quoi cet exemple peut-il servir à mieux comprendre l’IE et donc à mieux la prendre en compte ? Le premier rapport Carayon sur l’IE avait pour titre à armes égales. Il montrait les injustices que nombre d’entreprises françaises devaient surmonter pour se développer et conquérir de nouveaux marchés. Dans ce domaine également, refuser de voir l’injustice et inciter les entreprises à travailler davantage revient en fait à les laisser seules face à des problèmes qu’elles sont bien en peine de surmonter. En effet, elles n’affrontent pas seulement un concurrent, mais un concurrent appuyé par leur État alors que le leur a décidé de ne pas s’engager dans la bataille. Il est donc indispensable d’être présent et de peser dans les instances internationales afin de défendre les entreprises françaises.
Le président de la fédération Française de rugby a d’ailleurs identifié le problème en déclarant après la défaite qu’il fallait peser davantage dans les instances internationales du rugby.
Il a raison. La France ne pourra être championne du monde de rugby qu’à deux conditions. Si son équipe est meilleure que les autres pour les battre à la régulière, et surtout si son équipe est nettement meilleure que les autres pour surmonter les décisions injustes en faveur du favori des instances internationales.
La glorieuse incertitude du sport a bel et bien vécu.
Le sport professionnel est un moyen de générer des revenus. C’est un secteur économique à part entière qu’il convient alors d’appréhender comme n’importe quel autre.

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