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ConseilsThèse

La course au large de la thèse

La question peut revenir, plus ou moins souvent, plus ou moins forte : à quoi ressemble un parcours doctoral ?

Une comparaison pertinente, et de saison de surcroît, est celle de la course au large : se lancer dans une thèse, c’est partir dans une course en solitaire, sans en maîtriser la durée. Si les lieux où l’on s’aventurera ne sont pas totalement inconnus, la façon de les aborder reste unique, il n’y a pas de pilote automatique, et la casse est possible, tout comme l’abandon…

Source

Ah  non ! C’est un peu court jeune homme !

On pouvait dire… Oh Dieu ! Bien des choses en somme !

Edmond Rostand Cyrano de Bergerac

Développons alors.

C’est un embarquement au long cours tout d’abord, dont on ne peut dire qu’une fois achevé s’il fut ou non pour Cythère. Si la durée la plus souvent annoncée est de 3 ans, les aléas de la vie (ou de la recherche) peuvent la prolonger et, de toutes façons, le directeur de thèse est la personne qui estime si la soutenance est possible. Le thésard n’est donc pas le maître du temps. Il est maître de sa trajectoire, et encore.

Parlons-en du directeur de thèse. Si le thésard est le navigateur en solitaire, le directeur de thèse est le routeur. Expérimenté, maîtrisant les éléments et sachant anticiper leur venue, ses conseils sont précieux indispensables. On peut toujours tenter de passer outre ses avis, ce n’est cependant pas le plus judicieux. Un bon routeur n’impose pas la route, mais il est suffisamment habile pour se faire comprendre. Il ne l’indique pas non plus en permanence, ce qui signifie que s’il ne dit rien, c’est que la route est bonne. Il est donc indispensable de bien choisir son routeur directeur de thèse, car les échanges doivent être de confiance. Au passage, c’est un choix mutuel : chacun choisit l’autre.

Pas de pilote automatique, ce qui implique une vigilance permanente. Il faut faire attention à la route, au surmenage, au découragement, à l’excès d’enthousiasme. C’est une épreuve d’endurance et non un sprint, et chacun est sa propre assistance. Savoir doser ses efforts est indispensable, savoir les reporter également lorsque cela s’avère nécessaire. Ne pas oublier qu’après une pause, se remettre au travail nécessite un petit moment : il faut se remettre dans l’ambiance avant de (re)devenir productif.

Dans le cas où l’on ne doserait pas (ou mal) ses efforts, la casse est alors possible. Quelle casse dans le cas d’une thèse ? Une mauvaise interprétation d’un texte, une impasse sur des auteurs majeurs (quelle idée !), un trop grand nombre de thèmes abordés (oui, ça arrive !). Un arrêt est alors nécessaire pour réparer. La réparation consiste à relire pour comprendre, lire pour éviter l’impasse, retenir les thèmes les plus pertinents, réordonner sa réflexion, larguer le superflu par dessus bord. Sur le coup l’arrêt est sensible. Mais il arrive que le routeur sus-mentionné vienne à votre rescousse et vous fasse rattraper le temps perdu (merci !).

La casse peut aussi mener à l’abandon. L’épreuve est difficile, et les abandons ne sont pas rares :

O combien de marins, combien de capitaines

Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,

Dans ce morne horizon se sont évanouis !

Combien ont disparu, dure et triste fortune !

Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune…

Victor Hugo Oceano nox

Il est vrai que les nuits peuvent parfois paraître sans lune, et se jeter à l’eau revient à vouloir se faire aspirer par un obscur tourbillon.

In fine, le gagnant est celui qui arrive au terme. Qu’importe la durée, qu’importent les arrêts, qu’importent les avis des critiques restés au port. L’objectif est de présenter au jury un galet, le mieux poli possible. En passant sur le fait qu’il est l’œuvre du sac et du ressac, qu’aux marées hautes de l’euphorie de la découverte ont succédé les marées basses du découragement. Que les journées d’inspiration ont alterné avec celles de pétole. Mais finalement

Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse !

Alfred de Musset, La coupe et les lèvres.

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